Harold se
réveilla juste avant l’aube avec une douleur sourde mais pas du tout désagréable dans le bas-ventre. Il frissonna un peu en se levant. Il faisait nettement plus frais le matin, même si l’on n’était encore que le 22 août et que l’automne ne serait là que dans un mois.
Mais ça chauffait sous son nombril, oh oui. Le simple fait de regarder la courbe délectable de ses fesses dans cette minuscule culotte transparente tandis qu’elle dormait le réchauffa considérablement. Elle ne dirait sûrement rien s’il la réveillait… ou plutôt, elle dirait peut-être quelque chose, mais il n’y verrait pas d’objection. Il ne savait toujours pas vraiment ce qu’il y avait au fond de ces yeux sombres et il avait un peu peur d’elle.
Plutôt que de la réveiller, il s’habilla rapidement. Il ne voulait pas trop traîner près de Nadine, même s’il avait furieusement envie d’elle.
Ce qu’il voulait, c’était trouver un endroit où réfléchir tout seul.
Il s’arrêta à la porte, complètement habillé, ses bottes à la main. La fraîcheur presque glaciale de la chambre et le prosaïsme de l’habillage lui avaient ôté toute envie. Il planait une odeur dans la pièce, et cette odeur n’était pas des plus ragoûtantes.
Ce n’était qu’une petite chose, avait-elle dit, une petite chose dont ils pouvaient se passer. C’était peut-être vrai. Elle savait faire avec sa bouche et ses mains des choses presque incroyables. Mais si ce n’était qu’une si petite chose, pourquoi la pièce était-elle imprégnée de cette odeur vaguement aigrelette qu’il associait au plaisir solitaire de toutes ses mauvaises années ?
Tu veux peut-être tout gâcher.
Une pensée troublante. Il sortit sans faire de bruit et referma doucement la porte derrière lui.
Nadine ouvrit les yeux au moment où la porte se fermait. Elle s’assit, regarda pensivement la porte, puis se recoucha. Son corps lui faisait mal, parcouru de lentes poussées de désir qui ne trouvaient pas leur exutoire. On aurait presque dit des douleurs menstruelles.
Ce n’était qu’une si petite chose, pensa-t-elle (sans savoir que ses idées étaient si proches de celles de Harold), pourquoi se sentir ainsi ? À un moment, la nuit dernière, elle avait dû se mordre les lèvres pour étouffer son cri : Arrête de tourner autour du pot et DÉFONCE-MOI avec ton truc !
Tu m’entends ? DÉFONCE-MOI, BOURRE-MOI jusqu’à ce que j’éclate ! Tu crois que ça me fait quelque chose ce que tu fabriques ? Défonce-moi pour l’amour de Dieu – ou au moins pour le mien – et finissons-en avec ces jeux stupides !
Il était couché, la tête entre ses cuisses, et poussait d’étranges grognements de plaisir, des bruits qui auraient pu être comiques s’ils n’avaient pas été si sincères, si proches de la sauvagerie. Elle avait levé les yeux, ravalant ces mots qui tremblaient derrière ses lèvres, et elle avait vu (ou l’avait-elle seulement cru ?) un visage à la fenêtre. En un instant, le feu de son propre désir s’était éteint, étouffé sous une couche de cendres froides.
C’était son visage qui souriait férocement en la regardant.
Un hurlement avait monté dans sa gorge… puis le visage avait disparu, le visage n’était plus qu’un jeu d’ombres sur la vitre noircie, maculée de traînées de poussière. Rien de plus que le croque-mitaine qu’un enfant s’imagine voir dans le placard, ou sournoisement pelotonné derrière le coffre à jouets dans le coin de sa chambre.
Rien de plus.
Mais non ! C’était bien plus. Et même maintenant dans les premières lueurs froides et rationnelles de l’aube, prétendre le contraire aurait été impossible, dangereux. C’était lui tout à l’heure, et il lui avait lancé un avertissement. Le futur époux surveillait sa promise et la fiancée déflorée serait la mariée éconduite.
Les yeux au plafond, elle réfléchissait : Je le suce mais je suis toujours vierge. Je le laisse me la mettre dans le cul, mais je suis toujours vierge. Je m’habille pour lui comme une putasse de dernière catégorie, mais c’est très bien ainsi.
C’était assez pour vous demander quelle sorte d’homme pouvait bien être votre fiancé.
Nadine regarda longtemps le plafond, longtemps.